Persuadé que l'on ne vit pas sur Terre pour être heureux mais seulement pour souffrir afin de mériter son Ciel, Amédée apprenait à vieillir dans la médiocrité quiétiste d'une vie rangée : une famille, une situation, des convictions bien-pensantes suffisamment mornes pour inspirer le sérieux qui suscite le respect. Quand il comprit que son entourage lui mentait depuis toujours et qu'il s'était réduit à une fausse image de lui-même, il découvrit que son prochain n'était que le porte-voix d'un monde inversé, corrupteur et insidieusement despotique, mais fragile parce que fondé sur un mensonge. Amédée sut alors qu'il ne parviendrait à se conquérir qu'en contribuant à faire rendre gorge au monde de son temps. Il n'est pas de salut religieux sans conquête profane de soi-même ; il n'est pas de salut individuel sans conquête politique.