Un quartier connaît plusieurs vies successives. Ainsi, à Montréal, après avoir longtemps hébergé des populations ouvrières, le Plateau Mont-Royal et, plus récemment, Saint-Henri, se sont mis à accueillir des ménages de plus en plus aisés. De même pour Maisonneuve, qui se voulait bourgeoise, mais a plutôt logé des familles aux moyens modestes, avant d'attirer à son tour des propriétaires en quête d'investissement, et des locataires capables de payer les nouveaux loyers.Qu'advient-il des populations originelles ? Elles sont évincées, de manière directe, notamment avec les « rénovictions », ou indirecte, parce qu'elles ne peuvent pas, par exemple, se permettre de fréquenter les nouveaux commerces alors que les anciens ferment les uns après les autres. Le privilège de siroter un latté à l'avoine sur une terrasse à deux pas de son plex ou de sa shoebox n'est pas donné à tout le monde...C'est ce phénomène qu'on nomme gentrification, et il connaît une accélération fulgurante au Québec. La spéculation des promoteurs a certainement joué un rôle crucial. Mais un quartier se transforme aussi avec l'arrivée de personnes dont les motivations sont souvent innocentes, voire par les effets pervers de politiques qui visaient à revaloriser des secteurs négligés, mais qui entraînent finalement une surenchère immobilière.Le logement ne devrait-il pas être vu comme un bien essentiel, plutôt que comme un domaine d'investissement quelconque ? Chose certaine, si on veut renverser la tendance et éviter que les quartiers de Montréal, de Québec et de bien d'autres villes ne deviennent inabordables, il faut définir le phénomène de la gentrification, raconter son histoire, et donner la parole aux gens qui le subissent. Gentriville le fait brillamment.